Le jardin, image de la réalité céleste

Le jardin , image de la réalité céleste

Avec la période de Pâques, il y a le printemps qui arrive et nous invite à sortir de nos enfermements. Avec ce temps, il est un lieu qui reprend vie avec nous c’est le jardin. Notre jardin peut se réduire à quelques pots de fleurs ou s’étendre sur de beaux et grands espaces, nous sommes toutes et tous des jardiniers dans l’âme. Il n’est qu’à voir comment les jardineries sont pleines de gens de tous âges et de toutes conditions. C’est le retour à la terre et il y a de la joie dans cette activité qui nous replace au contact de la nature et du vivant.
Le jardin est toujours un espace protégé des vents, avec une orientation favorable et une terre riche naturellement ou par les apports de ses jardiniers. Toutes ces qualités réelles d’un jardin sont celles que chacun voudrait donner à sa vie 1. Produire des beaux et bons fruits ou légumes afin de nourrir sa famille et ses amis. Avoir de belles fleurs et de beaux arbres pour que cet espace soit un lieu de repos apprécié de tous, il y a bien un idéal du jardin qui est partagé dans tous les pays du monde.
Le jardinage est un véritable bonheur et je sais que parmi nos religieux gallicans il y a beaucoup de jardiniers qui chérissent tout particulièrement cette activité. Bécher, biner, sarcler, buter, amender autant de gestes et d’attentions pour les légumes et pour les fleurs de nos jardins. Quelle joie, de bon matin, de découvrir le jour qui se lève et la nature qui sort de la nuit. Car le jardin c’est aussi le chant des oiseaux, la trace du hérisson (ou de la tortue) ou encore le lapin qui broute les salades. On se sent revivre, on respire un air pur et notre être tout entier vivre au rythme du vivant. Jean Marie Pelt ou Nicolas (dit le jardinier) on écrit des pages merveilleuses sur le bonheur d’être dans son jardin.
Loin des conventions et des représentations de la société, le jardin est un lieu et un temps où chacun se retrouve face à lui même, sans fard, sans artifice, avec simplement le souffle léger de l’instant présent. Avec simplement les gestes, souvent hérités de nos parents, qui nous rattachent à nos racines familiales et même bien au delà, lorsque nos lointains ancêtres ont créés l’agriculture. Dans une société, qui cherche des racines, il n’est pas surprenant de voir le succès des AMAP ou des jardins partagés jusqu’au cœur des grandes villes. Le jardin est véritable un axe qui aide l’Homme à se construire et surtout qui permet d’ETRE en vérité. Le jardin occupe une place aussi très importante dans les Ecritures et plusieurs moments forts se déroulent … dans un jardin. Et ce n’est pas un hasard.
Le premier des jardins c’est celui de l’Eden qui incarne le bonheur et l’harmonie des origines. Puis il y a le jardin des oliviers, qui est le cadre des tourments du Christ puis de sa trahison. Il y a enfin le jardin du matin de Pâques où Marie Madeleine cherche celui qui est ressuscité. Et elle le trouve finalement sous les traits… d’un jardinier. Comme si « le jardin devenait le signe discret mais réel de la présence divine » Le jardin est tout d’abord le lieu du bonheur « en grec, c’est le paradisios, le paradis, mot d’origine persane qui signifie « terrain planté d’arbres ». Il symbolise l’achèvement de ce qui a été commencé dans la création. C’est le lieu où tout est parfait, un lieu de délices (Eden, en hébreu) 1».
Le jardin des origines est celui décrit dès les premières lignes de la Bible.
Génèse 2, 8-15 « Ensuite le Seigneur Dieu planta un jardin au pays d’Éden, là-bas vers l’est, pour y mettre l’être humain qu’il avait façonné. Il fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect agréable et aux fruits délicieux. Il mit au centre du jardin l’arbre de la vie, et l’arbre qui donne la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. Un fleuve prenait sa source au pays d’Éden et irriguait le jardin. De là, il se divisait en quatre bras. Le premier était le Pichon ; il fait le tour du pays de Havila. Dans ce pays, on trouve de l’or, un or de qualité, ainsi que la résine parfumée de bdellium et la pierre précieuse de cornaline. Le second bras du fleuve était le Guihon, qui fait le tour du pays de Kouch. Le troisième était le Tigre, qui coule à l’est de la ville d’Assour. Enfin le quatrième était l’Euphrate. Le Seigneur Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder. »
Dieu établit l’homme au cœur de ce jardin pour qu’il le cultive et qu’il le garde. Nous sommes directement au cœur de cette mission supérieure de l’homme : prendre soin de ce jardin qui est débordant de toutes les bénédictions de Dieu.
Cet espace de bonheur absolu sera aussi, le lieu de la séparation de l’homme avec Dieu. Adam et Eve sont chassés du paradis terrestre et des anges sont placés par Dieu pour en interdire l’entrée. Toutes les mythologies évoquent cette séparation, cette chute ou cette perte et la nostalgie des paradis perdu hante les hommes depuis des millénaires. Le jardin est ensuite souvent cité par les prophètes de l’Ancien Testament pour évoqué la création divine et pour évoqué le Tout Puissant sous la forme d’un jardin, d’un oasis, d’une terre de fertilité « où coule le lait et le miel ». Il est encore très présent dans le Cantique des cantiques avec des passages d’une grande sensibilité et d’une grande beauté.
Le jardin apparaît aussi dans le nouveau Testament avec l’épisode douloureux du jardin des oliviers. Le Christ après avoir partagé le dernier repas avec ses apôtres se retire au jardin de Gethsémani pour prier. Moment de tentation, moment de souffrance et de détresse face à ce destin terrible qui vient. Moment où le Christ est seul car ces apôtres sont « endormis » et qu’ils ne peuvent le suivre là où il va. Ce jardin c’est aussi le lieu de la trahison de Judas et le commencement de la Passion.
Jean 18 1 « Après ces mots, Jésus s’en alla avec ses disciples de l’autre côté du ruisseau du Cédron. Il y avait là un jardin dans lequel il entra avec ses disciples. Judas, celui qui le trahissait, connaissait aussi l’endroit, parce que Jésus et ses disciples y étaient souvent venus ensemble. Judas se rendit donc au jardin, emmenant avec lui une troupe de soldats et des gardes fournis par les chefs des prêtres et le parti des Pharisiens ; ils étaient armés et portaient des lanternes et des flambeaux. »

(Voir aussi Matt 26.47-56 ; Marc 14.43-50 ; Luc 22.47-53)

Le jardin fait ensuite un retour inattendu, au matin de Pâques, dans le récit de l’Evangile de Jean. Marie Madeleine cherche le Christ et se trouve face à la pierre roulée et au tombeau vide. Après avoir vu les anges dans le tombeau, elle voit Jésus mais elle ne le reconnaît pas (comme les pèlerins sur le chemin d’Emaüs) et elle le prend pour … un Jardinier.

Jean 20, 11-18 « Marie se tenait près du tombeau, dehors, et pleurait. Tandis qu’elle pleurait, elle se baissa pour regarder dans le tombeau ; elle vit deux anges en vêtements blancs assis à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus, l’un à la place de la tête et l’autre à la place des pieds. Les anges lui demandèrent : « Pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis. » Cela dit, elle se retourna et vit Jésus qui se tenait là, mais sans se rendre compte que c’était lui. Jésus lui demanda : « Pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Elle pensa que c’était le jardinier, c’est pourquoi elle lui dit : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le reprendre. » Jésus lui dit : « Marie ! » Elle se tourna vers lui et lui dit en hébreu : « Rabbouni ! » — ce qui signifie « Maître » —. Jésus lui dit : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va dire à mes frères que je monte vers mon Père qui est aussi votre Père, vers mon Dieu qui est aussi votre Dieu. » Alors, Marie de Magdala se rendit auprès des disciples et leur annonça : « J’ai vu le Seigneur ! » Et elle leur raconta ce qu’il lui avait dit.

Que dire face à cette image, le jardinier est exprimé au cœur des écritures comme la figure de la Résurrection. Il n’est pas de plus noble comparaison possible pour celles et ceux qui la passion du jardin. Le lien étroit qui existe entre la dimension terrestre et la dimension céleste à travers le jardin est une bénédiction pour tous les chrétiens. Ce lien est d’autant plus riche qu’il est partagé au delà des religions et des croyances. On pourrait aussi parler de la lune qui joue un rôle si important pour tous ceux qui sèment et qui plantent. Les dictons sont nombreux pour nous rappeler les bonnes actions à engager selon la période qui vient. Ce n’est donc pas non plus un hasard si la date de Pâques est définie par les phases de la lune en relation avec l’équinoxe de printemps. Le jardin est un symbole inépuisable en phase avec toute l’année liturgique et le rythme des saisons.

Le saint curé d’Ars disait « Le Saint-Esprit est comme un jardinier qui travaille notre âme ». Voilà une belle représentation pour traduire cette prière de la liturgie gallicane « travaillez à votre redressement » Notre âme est pareille à un jardin auquel il convient de sans cesse de prodiguer des soins. Laissons agir le jardinier de notre âme, ne soyons pas un terrain rebelle et coriace. Acceptons de porter ces fruits de charité et d’espérance. Tous ces symboles, ont une force de représentation beaucoup plus accessible à tous que bons nombres de discours théologiques. Il n’y a pas à se lancer dans des réflexions complexes pour comprendre l’enseignement de l’Eglise lorsqu’elle évoque le jardin. Il n’y a rien de particulier à faire, il n’y a qu’a ETRE.

Etre dans son jardin à l’écoute de ce qui est vivant dans la nature. Etre présent à se ressenti intérieur lorsque l’on est touché par le goût d’une fraise ou la beauté d’une rose. Etre en harmonie avec son jardin et en harmonie avec soi-même, c’est une façon d’être en prière et de vivre une présence au divin qui est présent partout et en tout.

Avant de conclure ce texte, en cette veille de Rameaux 2017, le jardin est encore au cœur de la liturgie. Il y a quelques instants, Dame Colette est allée, dans notre jardin, pour couper des rameaux de buis pour la célébration de demain. Encore une fois le jardin participe à l’unité de la terre et du ciel et les branches de buis bénis dans cette messe manifesteront la présence divine jusque dans les maisons pour une année entière.

Père Robert

1) Exposition Grand-Palais, à Paris, sur les jardins des grands peintres (Fragonard, Monet, Cézanne, Klimt, Picasso ou Matisse) 15 mars – 24 juillet 2017
2) Yvon garel : les lieux symboliques, le jardin dans la bible

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