La crèche des santons

La crèche des santons est en place à la chapelle Saint Michel Archange à Montbrison. C’est toujours un plaisir de concevoir cette œuvre de Noël. Il y a une véritable portée spirituelle et symbolique dans cette Pastorale des santons et nous allons en parcourir différents aspects à travers ces petits personnages.

La pastorale raconte en langue provençale et en cinq actes la naissance de Jésus dans un village de Bethléem transposé en Provence. L’ange annonce la nouvelle aux bergers qui la transmettent à différents personnages de caractères : l’aveugle à qui on a volé son fils, le meunier qui vit seul avec son chien, le rémouleur qui aime bien « lever le coude », le bègue, le pistachier qui est peureux et tant d’autres encore… Tout ce petit monde, représenté en costume Louis Philippe, s’invective, se « rabiboche », s’interpelle, plaisante et se fait des blagues. Puis tous se mettent en chemin vers l’étable pour voir « lou tant bèu pichot » (le si bel enfant) et « lo santo vierge » aux couleurs bleu et blanc de la ville de Marseille.

Au cœur de toute crèche il y a la nativité avec les personnages bibliques. Durant le temps de l’avent Marie est présente avec la main posée sur son ventre. Cette figurine de la maison Escoffier est une belle évocation de la maternité. Sans maternité il n’y a pas d’incarnation possible pour le Fils de Dieu.

il y a Joseph au côté de Marie. Les Évangiles nous disent peu de choses sur lui. Son santon (Escoffier) nous dit l’essentiel : il est debout avec la main droite (symbole de l’action) sur le cœur (symbole de l’amour).

Il y aussi « le ravi » il est tout proche de l’enfant Jésus. Il ne parle pas il écarte les bras et il témoigne de l’émerveillement. Au-devant de la crèche il y a encore l’aveugle et son fils. Ils seront au cœur des miracles qui se réalisent dans cette pastorale.

L’annonce de la naissance de l’enfant Jésus est faite par l’ange « Boufaréou » (ou par l’archange Gabriel dans d’autres pastorales). Il souffle de toute ses forces dans sa trompette. Il représente le Souffle de l’Esprit : “Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit.” (Jean 3 ; 8). L’ange « Boufaréou » donne l’élan, le mouvement, la dynamique qui met en marche tout le petit peuple des santons vers la crèche. A la chapelle Saint Michel Archange, il est posé en équilibre sur le toit de la crèche. Il est le veilleur et le véritable chef d’orchestre de cette nativité.

Les bergers sont présents devant la crèche avec des personnages « modernes » dans une posture biblique. Le vieux berger est agenouillé, il tient son chapeau à la main en signe de respect et il présente un agneau.

Le crèche de la chapelle montre aussi un troupeau de moutons avec des bergers et un chien. Un berger particulier me tient à cœur, car il est une évocation du Christ ressuscité portant une brebis sur ces épaules (création santons Escoffier).  Une gardeuse de chèvre complète cette évocation pastorale qui fait le lien entre la période biblique et l’époque actuelle.

Le peuple des santons est divers et plein de fantaisies. Tous ne sont pas présents à la crèche de la chapelle mais les personnages de Grasset et Grassette sont toujours valorisés avec leur magnifique parapluie rouge. Les paniers garnis de provisions témoignent du sens du partage et de la convivialité. La femme et l’homme » mistral » semblent eux lutter contre le vent qui souffle. On peut y voir l’effort contre l’adversité et les difficultés de la vie. Pourtant eux aussi se rendent à la crèche de l’enfant Jésus.

Les créations des santonniers ont, très rapidement, des personnages exprimant leurs métiers. Les deux premiers à être valorisés sont le meunier et les vignerons. Comme une préfiguration de l’Eucharistie, ces deux métiers ont une place à part dans la crèche.

Les métiers traditionnels sont peu à peu complétés par des métiers actuels. Dans chaque crèche on peut s’identifier à son propre métier ou à ceux exercés dans la famille. La crèche de la chapelle montre ainsi l’infirmière, le peintre et le curé comme un clin d’œil à nos métiers. Il y a aussi le pécheur qui répare son filet et la lavandière à côté de la rivière. Parmi les métiers, le mineur est un hommage à la région de Saint Etienne et à sa culture minière.

Autour de la crèche il y a aussi la culture et les traditions qui nous animent. Les danseurs de Provence sont placés sous la pergola (réalisation 2024). Le tambourinaire est un personnage central celui qui mène la danse.

Les boulistes me rappellent mon enfance avec des parties interminables dans la cour à côté de la maison. Ces boulistes sont appliqués comme s’ils jouaient leur vie. D’ailleurs ce n’est pas un jeu, « ô malheureux, les boules c’est du sérieux ! ». Pourtant bientôt ils laisseront ce terrain et marcheront eux aussi vers la crèche.

Devant la croix de Camargue, il y a une jeune fille en prière. Elle représente toutes celles et ceux qui n’osent s’approcher des chapelles ou des églises.

Un peu à l’écart, il y a le peintre (cette année il s’est rapproché de la crèche). On croit toujours qu’il peint ce qu’il voit mais c’est une erreur… il donne à voir, avec des formes et des couleurs, ce qui est invisible. Il montre une réalité du monde qui n’a jamais été vue ou entendue. Sur sa toile il crée le monde à venir.

Au-delà de la coutume chère à tous les amis de la Provence, cette crèche des santons reste un exemple magnifique de l’appropriation de la dimension sacrée par chacun de nous. Le Christ qui se revêt de notre humanité est représenté dans une proximité qui nous touche. Il s’inscrit dans un monde qui est presque le nôtre et ainsi sa réalité devient comme palpable.

Ces petits personnages portent en eux toute la diversité des hommes et des femmes. Ils nous rappellent aussi les petits jouets et personnages de nos jeux d’enfant. Ils nous redisent avec malice et tendresse que le petit enfant qui naît dans la crèche porte en lui la transmutation du monde par la transformation de chacun de nous.

Il est au plus près de chacun de nous, au cœur de notre vie de tous les jours.

Puis tous se mettent en chemin vers l’étable pour voir « lou tant bèu pichot » (le si bel enfant) et « lo santo vierge » aux couleurs bleu et blanc de la ville de Marseille.

Le dernier acte est l’Adoration : chaque personnage vient rendre hommage à l’enfant Jésus et quelques miracles se produisent. L’aveugle retrouve la vue et récupère son fils, le « boumian » sympathise avec le gendarme, le bègue retrouve la voix et ceux qui étaient brouillés se réconcilient. La pièce se termine par le chant « O Rei de glori » (O Roi de Gloire) qui exprime toute la joie de la Provence. . La présence du Christ devient réalité comme dans Matthieu 11 4-5 : « Jésus leur répondit : allez raconter à Jean… les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent… et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. »

Père Robert


 

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