Chapelle Saint Michel Archange Montbrison

« LA PRIERE AU COEUR DE L’ACTION »

« La Nuit des Veilleurs » … chaque année une célébration oecuménique internationale prévue pour prier pour les victimes de la torture et leurs bourreaux.. pour prendre connaissance et prier pour les nouvelles personnes condamnées arbitrairement partout où les droits humains sont bafoués. Nous prions aussi pour toutes les victoires de l’année: les personnes qui grâce à l’ACAT et à l’action conjuguée avec d’autres organismes des droits de l’homme ont pu être libérées.

Des roses rouges ont été déposées sur le planisphère représentant les prisonniers. Des roses blanches pour celles et ceux libérés. Des lumignons pour lutter contre toutes les injustices partout dans le monde et pour garder l’espoir.

« Esprit de vérité fait en chacun de nous ton chemin afin que notre monde soit plus humain, plus juste et plus fraternel »

La Chorale oecuménique a fait résonner sa voix au service de l’ACAT avec  » Ma vie repose entre tes mains » « Au grand large tu m’entraines » « Esprit de lumière, Esprit créateur » …

Homélie ci-dessous par la Chapelle St Michel Archange, engagée avec l’ACAT Montbrison

Cette année, la Nuit des Veilleurs, nous invite à placer notre prière au cœur de l’action. L’ACAT agit pour l’abolition de la torture, pour l’abolition de la peine de mort et pour le respect des droits humains partout dans le monde. La célébration œcuménique de la Nuit des Veilleurs 2023 est centrée sur l’évangile de Matthieu. Il est souvent résumé à deux phrases « tendre l’autre joue » et « aimez ses ennemis ». Pris au premier degré cela peut ressembler un peu à une provocation. « aimez ses ennemis » et « tendre l’autre joue » voici des injonctions qui peuvent nous heurter alors que l’on vient de raconter les sévices et les souffrances de celles et ceux qui sont victimes de traitement inhumains. Quel sens alors donner à cette lecture biblique dans le contexte de la lutte pour le respect des droits humains.

Le thème central de cette célébration est : Prier au cœur de l’action. « La prière existe depuis toujours dans toutes les religions et toutes les civilisations. De la supplication angoissée à la louange, de la demande la plus intéressée à la plus humble, la prière est un acte spontané, jailli du cœur de l’homme qui demande aide ou protection, ou qui remercie. Elle met en jeu les composantes psychologiques, affectives de l’être humain, ainsi que ses désirs les plus profonds, les plus intimes ». (1). Dans la prière, il y a comme une respiration intérieure. Dans un mouvement d’élévation, la prière part de nous et monte vers ce Père qui est aux cieux. Des mots, des émotions, des parcelles de nous-même sont projetés vers cet au-delà. Nous confions nos demandes, nos doutes, nos peurs et nous espérons en retour que soit exhaussé nos intentions.

Dans un autre mouvement, comme un second temps de la respiration intérieure, la prière nous donne de recevoir cette Présence du Divin. Comme une voix de fin silence selon l’expression tirée du Livre des Rois. « La prière cesse alors de vouloir imposer à Dieu notre volonté. Elle se conforme à la sienne et elle se situe vis-à-vis de lui dans une relation de confiance. Toute prière suppose le recueillement, le silence, une rentrée en soi-même pour faire taire le tumulte des représentations et des émotions. Cette prière intérieure abandonne la parole pour tendre au silence, qui atteste la certitude d’une Présence. Ce n’est plus alors un face-à-face avec un Autre extérieur à soi mais une rencontre, au plus profond de soi, avec un au-delà de soi, un Tout Autre éprouvé comme l’altérité absolue. Prier Dieu et laisser parler Dieu en nous ». (2)

Cet évangile prend alors un sens tout autre et se révèle comme porteur d’une Espérance nouvelle. Jésus ne parle peut-être pas tant de l’humanité qu’il ne parle de Dieu, dans cet évangile. Jésus enseigne la réalité difficilement compréhensible de ce qu’il nomme « le royaume de Dieu ». Les modalités de ce royaume ne sont pas les mêmes que les modalités terrestres. Jésus nous parle de Dieu. Ce Dieu qui tend l’autre joue, ce Dieu qui laisse son manteau, qui donne à qui veut emprunter. Ce Dieu qui aime ses ennemis et qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. Ce Dieu qui fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.

Jésus nous décrit une autre réalité de vie qui remet en cause notre compréhension du monde qui dépasse les lois naturelles de notre humanité. Il nous invite à dépasser la vieille loi du Talion, et les images qu’il nous propose nous invitent à adopter une posture qui change notre rapport à l’autre. Jésus nous dit comment ce Père qui est aux cieux agit dans la réalité du royaume du ciel. Il nous dit aussi que cette réalité divine correspond à la perfection. Notre Père céleste est parfait et nous qui voulons tendre vers cette perfection, nous devons nous aussi priez pour ceux qui nous persécutent. Pour aller plus loin que d’aimer ceux qui nous aiment nos proches, nos familles et celles et ceux que nous nommons affectueusement frères et sœurs.

« Dans la lutte contre la torture et les exécutions capitales, la prière de l’ACAT, pourrait apparaître comme superflue. Pourtant la prière est l’indispensable soubassement et le prolongement de l’action. La prière des membres de l’ACAT est une prière d’intercession qui doit faire passer dans la vie concrète la soif de justice et l’amour que l’on reçoit de Dieu. Cette prière soutient à distance les torturés et prend en compte les tortionnaires, victimes eux aussi de systèmes monstrueux qui les déshumanisent. La prière est une source spirituelle pour l’action de l’ACAT : prière individuelle qui jaillit des cœurs et prière collective qui rassemble les groupes au cours des réunions et des célébrations œcuméniques. » (3)

Pour aller plus loin que l’ancienne loi du talion, il ne faut pas s’appuyer sur nos seuls mérites. Il ne faut pas faire confiance à nos seules ressources. Il faut s’abandonner intégralement à cette unité avec Dieu. C’est-à-dire dans la prière, il faut nous appuyer sur la force et la Présence de l’Esprit Saint qui est agissante dans le monde. Laisser prier Dieu en nous, c’est accepter l’Esprit de Dieu qui souffle et qui nous grandit.

Vous le voyez, au cœur de l’action de l’ACAT, il y a la prière à un Dieu présent et proche de nous. Pour nous Dieu n’est jamais absent même si dans l’agitation du monde, nous avons très souvent du mal à entendre sa voix de fin silence. La prière de l’ACAT, est tout d’abord une demande pour les victimes ou les tortionnaires mais cette prière va aussi bien au-delà. Cette prière est force vivante et agissante en nous et au-delà de nous. Cette prière peut conduire à délier les liens infames de la barbarie et ouvrir les portes des cœurs et des prisons. Elle peut aussi nous unir à la perfection divine. Amen

Père Robert & Dame Colette

Eglise Gallicane, Chapelle Saint Michel Archange Montbrison

Notes :

1 – ACAT Nuit des Veilleurs 2023/Méditation : Tout le monde prie, d’une façon ou d’une autre

2 –ACAT Nuit des Veilleurs 2023/Méditation : Prier Dieu, laisser prier Dieu en nous

3 – ACAT Nuit des Veilleurs 2023/Méditation : La prière de l’ACAT