« J’ai vu comment on maltraite mon peuple en Égypte ; j’ai entendu les Israélites crier sous les coups de leurs oppresseurs. Oui, je connais leurs souffrances. Je suis donc venu pour les délivrer du pouvoir des Égyptiens, et pour les conduire d’Égypte vers un pays beau et vaste, vers un pays ruisselant de lait et de miel… » (Ex 3,8)
Ce passage du livre de l’Exode, se situe lors de la vision de Moïse au buisson ardent. ‘‘Un pays ruisselant de lait et de miel » : Dieu fait cette promesse en réponse à la misère de son peuple en esclavage, qui gémit et crie au secours.
Cette métaphore du lait et du miel est heureuse et maternelle, elle prétend moins décrire la réalité que dévoiler sa vérité profonde (1). Elle est la promesse d’une relation toute particulière entre Le Seigneur et son peuple. Dans l’ancien testament, « cette terre de lait et de miel » est une réactualisation du paradis terrestre, une image de la quête de l’humanité toute entière qui cherche ce paradis perdu, qui cherche à renouer ce lien filial avec Dieu. Ce pays ruisselant de lait et de miel matérialise une union fusionnelle où la terre et le ciel sont à nouveau unis et où Dieu couvre l’humanité de ses bienfaits.
La force des images symboliques portées par ces mots, éveille en nous une foule de sentiments et d’émotions. Le lait est le premier breuvage et la première nourriture en laquelle toutes les autres existent à l’état potentiel. Le lait est donc symbole d’abondance, de fertilité et de connaissance. Il est aussi un chemin d’initiation et un symbole d’immortalité utilisé lors des baptêmes dans l’Eglise des premiers siècles.
Pour les peuples nomades et vivants dans les régions désertiques, le lait est essentiel et constitue un contrepoint à la rigueur de l’environnement. Cette symbolique du peuple nomade nous conduit aussi à la recherche de nos origines lointaines et profondes. Comme l’enfant recherche cet instant fusionnel où serré contre son sein, il ne fait plus qu’un avec sa mère, ainsi l’humanité, loin du paradis terrestre, cherche encore cette union parfaite avec Dieu. L’image de la mère est très intimement liée au lait, avec cette dimension « comme nourricière de l’être auquel elle a donné le jour et qu’elle nourrit avec son propre lait, en lui transmettant sa vie, son énergie et le meilleur d’elle-même » (2)
« Dans toutes les cultures, le lait a représenté l’aliment primordial indispensable à la vie et à la croissance de l’être humain. Cet élément naturel a toujours été considéré comme le principe nutritif et vitalisant par excellence, très souvent associé au miel, autre produit de la nature… Ces deux produits demeureront dans l’imaginaire collectif comme les signes d’un Âge d’Or où la Terre-Mère produisait spontanément ces biens. » (3). L’imaginaire chrétien puisera abondamment dans ce thème avec la symbolique du lait de la Vierge. Ce thème de l’allaitement spirituel sera développé par les mystiques chrétiens comme l’expérience mystique la plus haute et la plus parfaite.
Le miel, comme le lait est un aliment premier. C’est un symbole de douceur, de plaisir mais aussi de richesse et de plénitude. Le miel est célébré de façon universelle comme source de vie et d’immortalité. Il est considéré comme un symbole de connaissance, du savoir, de sagesse. Le miel est associé à la culture religieuse, à la connaissance mystique, aux biens spirituels. Le miel désigne enfin la béatitude suprême de l’esprit. (5)
Le lait et le miel sont très souvent associés, ils sont tous deux la nourriture abondante de toutes les terres promises (4). Dans le Forez, le lait chaud et le miel (avec parfois un peu d’alcool …) sont utilisés comme remède contre la grippe et les coups de froid. Ce remède pour le corps peut être aussi celui de l’âme car ils sont tous deux le résultat d’une transformation profonde. Ils incarnent ainsi le processus de transformation intérieur qui doit se mettre en oeuvre en chacun de nous, transformation initiatique et conversion de l’âme.
Il existe encore bien d’autres symboles associés à ces deux éléments et plusieurs livres y sont consacrés sans épuiser le sujet. Il convient de noter que ces éléments du lait et du miel seront beaucoup moins présents dans le Nouveau testament.
La force de ces mots reste pourtant particulièrement vivante :
« Le 4 mai 1994 au Caire, après les accords israélo-palestiniens sur le partage des territoires, le premier ministre Itzhak Rabin eut ce souhait, biblique, utopique : ‘‘Que les deux peuples puissent vivre sur la même terre étroite, la terre du lait et du miel, chacun sous son figuier… » (6)
En novembre 1995, il meurt assassiné par deux balles tirées à bout portant dans son dos.
Ainsi la terre du lait et du miel porte maintenant une nouvelle dimension, celle de la Paix à venir et de la concorde souhaitée entre les peuples. De cette Paix à construire, par delà les divisions et les haines.
Que le travail des hommes et des femmes de bonne volonté, guidés par l’Esprit du Très Haut, fasse qu’elle soit un jour réalité vivante. Qu’ainsi s’accomplisse, à l’échelle de la terre toute entière, la parole des Ecritures : « Je vous conduirais vers un pays ruisselant de lait et de miel !»
Père Robert Mure
(1) (6) – Service Biblique catholique Evangile et Vie (site internet : bible-service.net).
(2) (3) Un don biblique Michel Meslin dans Mémoires lactées, Coll. Mutations/Mangeurs N°143, Paris, 1994
(4) (5) Le dictionnaire des symboles, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant. Ed. Robert Laffont