Homélie : Célébration unité des chrétiens 2011

« Ils étaient fidèles à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42)

Avec cette parole qui est le thème central de cette semaine de prière des chrétiens, nous retrouvons le souffle de l’Esprit qui animait les premières communautés des chrétiens. Ce n’est pas un hasard, si c’est ce texte tirés des Actes de apôtres qui a été choisit par ceux qui, de tous bords, ont oeuvres à la préparation de ces célébrations oecuméniques de l’année 2011. En effet, ce sont les chrétiens de Jérusalem qui étaient chargés de cette préparation. « L’assemblée de ceux qui croyaient ne faisait qu’un cœur et qu’une âme, ils persévéraient tous dans la doctrine des apôtres, dans la fraction du pain et dans la prière » Cette phrase que se ponctue l’Eucharistie dans l’Office diaconal de notre Eglise Gallicane. Encore tourné, vers cette élévation de l’âme, elle matérialise, l’état de grâce que nous voudrions voir se prolonger encore et encore. Cette parole nous dit ce vers quoi nous devons tendre et ce à quoi nous pouvons nous raccrocher dans les jours de solitude ou lorsque nous sommes éloignés de la présence à Dieu.

Ce thème d’unité par excellence, nous rappelle les origines de la première Église à Jérusalem ; il appelle à la réflexion et au renouveau, à un retour aux fondements de la foi ; il invite à se remémorer l’époque où l’Église était encore indivise. Quatre éléments sont présentés à l’intérieur de ce thème ; ce furent des traits marquants de la communauté chrétienne primitive et ils sont essentiels pour la vie de toute communauté chrétienne.

– Tout d’abord, la Parole a été transmise par les apôtres.

– Deuxièmement, l’un des traits marquants de la première communauté croyante lorsqu’elle se réunissait, était la communion fraternelle .

– Un troisième trait de l’Église primitive consistait à célébrer l’Eucharistie , la « fraction du pain », en mémoire de la Nouvelle Alliance que Jésus a accomplie à travers sa vie, sa mort et sa résurrection.

– Le quatrième aspect était l’offrande d’une prière continuelle. Ces quatre éléments sont les piliers de la vie de l’Église et de son unité.

La communauté chrétienne de Terre Sainte entend mettre en relief ces éléments fondamentaux et prie Dieu pour l’unité et la vitalité de l’Église répandue à travers le monde. Les chrétiens de Jérusalem invitent leurs soeurs et frères de par le monde à s’unir à leur prière dans leur lutte pour la justice, la paix et la prospérité de tous les peuples de cette terre.

Mais alors me direz vous pourquoi mettre en face à face, cette vision idéale tirées des Actes des Apôtres avec l’Evangile de Matthieu au sujet de l’enseignement sur la colère. C’est comme un véritable coup de poing que l’on reçoit  « Laisse là ton offrande devant l’autel et va d’abord te réconcilier te réconcilier avec ton frère, puis viens alors présenter ton offrande ».

Cette phrase fait partie du discours sur la montagne, où le Christ commence par énoncer sa vision du royaume avec les Béatitudes qu’il décline avec le mot HEUREUX. Puis il se lance dans un long plaidoyer où il nous demande de mettre en accord nos paroles et nos actes sur de nombreux points de nos vies. C’est ce que nous demande le Christ, et pour cela il vient nous bousculer jusque devant l’autel de Dieu.

Il nous dit : notre prière, aussi sincère, aussi forte, aussi belle qu’elle soit, ne nous dispenses pas d’agir pour aller, chaque fois que cela est possible, vers la réconciliation avec ceux avec qui nous sommes en conflits. Biens sur, les conflits, les tensions, les mots un peu forts sont pleinement humains et ils font partie de tout homme et de toute femme .. ou presque. Le Christ le sait bien, lui qui s’est fait homme, lui qui s’est revêtu de notre humanité. Et s’il parle avec des mots aussi intenses c’est qu’il veut insister là où ça fait mal!

Mais enfin, il y va tout de même un peu fort, car pour un mot anodin comme « imbécile » ou « idiot », il nous menace du jugement… et pour ce ressentiment minime, il nous donne l’ordre de quitter la célébration et d’aller se réconcilier avec son frère… comme si cela ne pouvait pas attendre, comme si c’était une question de vie ou de mort.

Alors que le Christ lui-même nous demande cela… il y a quelque chose qui m’interroge. Je me demande vraiment si ces mots n’ont pas aussi un autre sens, si ces mots n’ont pas un sens caché. Comme lorsque le Christ nous parle en parabole. Comme dans l’evangile de Marc quand il nous dit « et si c’est à cause de ton œil que tu tombes dans le péché, arrache-le ; il vaut mieux pour toi entrer dans le Royaume de Dieu avec un seul œil que de garder les deux yeux et d’être jeté en enfer ». Marc 9 – 47 . Le Christ veut-il un monde remplit de borgnes ou d’estropiés… Non surement pas… alors c’est qu’il s’agit d’autres choses.

Un élément de réponse se trouve sans doute dans le dernier verset de cet Evangile, avec ces deux hommes en procès qui doivent se mettre d’accord

 » Si tu es en procès avec quelqu’un, dépêche-toi de te mettre d’accord avec lui pendant que vous êtes encore en chemin. Tu éviteras ainsi que ton adversaire ne te livre au juge, »

Tiens tiens, et si c’était vraiment une question de vie ou de mort, et si ce chemin n’était pas fait de pierres et de poussières mais si ce chemin était le chemin de la vie… le chemin de nos vies… et ce que le Christ nous dit,  avec des mots chargés d’émotions c’est qu’il ne faut pas laisser la mort mettre un terme à nos querelles car alors nous ne pourrons plus nous jamais nous réconcilier avec ce frère disparu.

Vous savez, dans le deuil d’un être cher, il y a très souvent des douleurs immenses à cause de quelques gros mots de trop ou alors de quelques petits mots d’affections qui eux n’ont jamais été prononcés à temps.

Oui mes frères et mes soeurs, je crois que le Christ dans cet Evangile nous parles simplement de notre manque d’amour, de cet amour qui manque, de cet amour qui fait défaut. Et il nous dit avec force qu’il n’y a rien de plus urgent et de plus important serait ce à l’échelle de toute une vie.

Si nous laissons traîner ces brouilles et ses discordes, souvent faites de petites choses, lorsque survient la mort brutale et sans le temps pour la réconciliation alors c’est un poids énorme sur l’âme de celui qui reste. C’est une blessure profonde qui pèse comme une entrave. Alors pendant qu’il est encore temps, car nous ne savons ni le jour ni l’heure, faisons ce premier pas. Allons dire à ce frère, à cet ami, à ce proche : oublie cela, mon amitié ou mon amour pour toi est plus grand que notre « bisbille ».

Et si vous parlez à un psychologue de cette question. Bien sur, il ne se placera pas sur le plan spirituel, mais il vous dira les dégâts immenses de ces non-dits, de ces silences, des ces réconciliations impossibles  et de ces deuils inconsolables psychologiquement.

Le Christ dans cet Evangile agit en thérapeute des blessures de l’âme. Si le Christ insiste tant sur cette réconciliation avec nos frères, c’est qu’elle est l’image terrestre de notre propre réconciliation avec le Père. Nos brouilles terrestres sont autant de parasites, pour employer une métaphore télévisuelle sur notre réconciliation céleste.

Voici un premier message, celui de l’urgence de faire le premier pas vers la réconciliation. Car le Christ ne nous dit pas si délaissant la célébration et nous rendant chez ce frère nous y sommes bien reçu. Ce qui compte le plus semble t il pour le Christ c’est de s’ouvrir à cette dimension et de commencer à la mettre en œuvre.

Mais il y aussi un autre message que nous adresse nos frères chrétiens de Jérusalem. C’est le message de leur douleur à eux, douleur d’une réconciliation à ce jour encore impossible entre israéliens et palestiniens. Même si une personne veut franchir le fossé qui sépare ces deux peuples, elle ne le peut pas car elle est mise au banc de toute la société. Les uns lui crie « traite » et les autres lui réponde « ennemi ». Dans cette partie du Moyen-orient, comme en Egypte ou comme en Irak, pour les chrétiens comme pour les autres communautés la réconciliation est bloquée,  voir impossible car elle échappe à la simple relation interpersonnelle.

Je suis touché par ce message car je me dis, ici, en France nous avons de la chance car nos réconciliations dépendent encore principalement de nous et de nous seuls… Cependant, je vois une société qui bouge à toute vitesse et des tensions de plus en plus nombreuses apparaissent entre différentes communautés? Ce qui est possible aujourd’hui, le sera t il encore demain ? Je n’ai pas la réponse et je vous laisses le soins d’y réfléchir et d’y agir.

Enfin le troisième message qui nous est adressé, c’est de rendre vivante cette parole des Actes des Apôtres : « L’assemblée de ceux qui croyaient ne faisait qu’un cœur et qu’une âme, ils persévéraient tous dans la doctrine des apôtres, dans la fraction du pain et dans la prière ». Cette parole est bien plus que la description idyllique d’une situation qui n’a sans doute durée que peu de temps. Mais en méditant cette parole, c’est tout l’Esprit des apôtres et des premières communautés qui transmettent cette énergie vivante de l’expérience de la Présence à Dieu.

A travers ces mots il y a une force véritable qui nous est transmise :

Force de l’origine de la chrétienté

Force de l’Esprit apostolique

Force vivante du Christ vivant

et Force de réconciliation

Car ces deux textes mis en avant dans cette délébration ne sont pas en opposition, mais ils sont l’expression indissociable de deux aspects de la Réconciliation : réconciliation terrestre et communion céleste mais aussi union terrestre et réconciliation céleste.

En cette soirée de célébration œcuménique, laissons nous toucher au plus profond de nous par la vibration de ces mots. Laissons nous toucher par la force de l’émotion qui émane de cet Evangile et ressentons cet appel à la transformation intérieure.

Par la prière, demandons à Dieu de nous accorder cette force de transformation. Et avec cette force nous pourrons tout d’abord

– faire la paix en nous mêmes

– puis avancer vers cette réconciliation qui nous est demandée par le Christ.

La grande réconciliation de tous les peuples doit prendre racine dans toutes nos petites réconciliations au quotidien? Elle passe par chacun de nous. La célébration de ce soir fait partie de ces instants d’unité et de partage dans la prière qui construisent l’Eglise Universelle. Que la joie de ce partage nous accompagne longtemps dans chacune de nos communautés montbrisonnaises. Et que cette méditation  sur la réconciliation, venue des chrétiens de la Jérusalem terrestre nous soit comme un reflet de la réconciliation éternelle, qui nous est promise à tous et à toutes dans la Jérusalem Céleste . Amen.

Père Robert Mure

janvier 2011

 

Texte biblique       (Ac 2, 42-47)

Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. La crainte gagnait tout le monde : beaucoup de prodiges et de signes s’accomplissaient par les apôtres. Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et mettaient tout en communion. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous, selon les besoins de chacun. Unanimes, ils se rendaient chaque jour assidûment au Temple ; ils rompaient le pain à domicile, prenant leur nourriture dans l’allégresse et la simplicité de coeur. Ils louaient Dieu et trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier. Et le Seigneur adjoignait chaque jour à la communauté ceux qui trouvaient le salut.

 

Lecture du Saint Evangile selon Saint Matthieu (5 21-26)

« Vous avez entendu qu’il a été dit à nos ancêtres : «Tu ne commettras pas de meurtre ; tout homme qui en tue un autre mérite de comparaître devant le juge.»  Eh bien, moi je vous déclare : tout homme qui se met en colère contre son frère mérite de comparaître devant le juge ; celui qui dit à son frère : «Imbécile !» mérite d’être jugé par le Conseil supérieur ; celui qui lui dit : «Idiot !» mérite d’être jeté dans le feu de l’enfer.Si donc tu viens à l’autel présenter ton offrande à Dieu et que là tu te souviennes que ton frère a une raison de t’en vouloir, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord faire la paix avec ton frère ; puis reviens et présente ton offrande à Dieu. « Si tu es en procès avec quelqu’un, dépêche-toi de te mettre d’accord avec lui pendant que vous êtes encore en chemin. Tu éviteras ainsi que ton adversaire ne te livre au juge, que le juge ne te remette à la police et qu’on ne te jette en prison. Je te le déclare, c’est la vérité : tu ne sortiras pas de là tant que tu n’auras pas payé ta dette jusqu’au dernier centime. »

 

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