Epiphanie

L’Evangile de la messe de l’Epiphanie exprime avec une grande force LA MANIFESTATION de Dieu à toutes les nations. L’histoire des mages est riche de beaucoup d’enseignements pour toutes les femmes et les hommes de ce monde. Cette histoire s’est déroulée il y a un peu plus de 2000 ans mais elle n’appartient pas au passé car elle résonne de nos jours avec beaucoup d’échos dans notre monde actuel.

Au milieu des tous les enseignements dont ont abondamment parlé les Pères de l’Eglise, il y a trois aspects qui méritent toute notre attention car ils portent sur des « valeurs » qui aident à vivre et à grandir sur cette terre.

Le premier enseignement c’est « l’étonnement » ou plutôt « l’émerveillement » (si cher à Maurice Zundel 1)… Une étoile parait dans le ciel et tout à coup des hommes habitants une contrée lointaine se passionnent pour ce phénomène et vont jusqu’à décider de suivre sa course. C’est l’émerveillement d’accepter de bousculer l’ordonnancement de sa vie pour accomplir ce qui nous correspond ou ce qui nous touche. C’est l’émerveillement de ressentir au fond de soi, un appel, un souffle, une énergie nouvelle qui nous tire vers ce que nous appréhendons comme le meilleur de nous même. Tout du moins que nous ressentons comme une formidable adéquation entre ce que nous sommes et ce que nous voulons être véritablement.

Cet appel ressemble un peu à l’appel ressenti par les mystiques et les religieux. On ne sait pas où on va aller mais on a la certitude intérieure que c’est ce qu’il faut faire. C’est ce qu’il faut vivre à ce moment là. Cet émerveillement ne touche pourtant pas tout le monde, les scribes du peuple et les grands prêtres, malgré leurs connaissances, n’ont pas compris ce qui se passait. Peut-être que cette étoile ne s’est pas révélée aussi formidablement à leurs yeux ; peut-être que leur raison rationnelle leur a soufflée :  » Oh là ne t’emballes pas comme ça! Tu vas passer pour qui si tu t’enflamme pour une étoile! »…

On ne peut pas s’empêcher de penser à la formidable chanson de Jacques Brel où il parle de « l’inaccessible étoile 2 » et de la quête ô combien difficile de Don Quichotte. On a tous et toutes manqué certains rendez-vous avec l’Histoire de notre vie pour ne pas leur jeter la pierre. On a parfois manqué ces instants en laissant de côté « le miracle de l’instant qui passe » mais il ne faut jamais renoncer à le chercher.

Le deuxième enseignement de cette Epiphanie, c’est la dimension de « la joie ». La joie de suivre la course de cet astre et de voir peut à peu se préciser le chemin. C’est la joie des mages en voyant l’étoile au dessus de la maison où se trouve l’enfant. C’est en même temps la jubilation, l’accomplissement et la récompense de ce pari un peu fou. C’est aussi la joie de voir un nouveau né qui porte en lui tous les espoirs du monde. Pas seulement parce qu’il est le Fils de Dieu mais simplement parce que chaque enfant est porteur de ce bonheur de cette joie et de cette nouvelle vie qui commence.

La joie c’est aussi la dimension du bonheur. Etre heureux, c’est le désir légitime de chacun en ce monde et c’est le but de toute une vie. La grande et éternelle question reste bien évidement sur quoi va t on bâtir cette joie ? De quoi sera construit notre bonheur ?… « Tout passe, tout casse, tout lasse » dis le proverbe et la joie du monde peut vite devenir fade et le bonheur s’épuiser rapidement… et nous avec. Où faut-il placer son coeur et sa joie pour ne pas être déçu, pour s’inscrire dans une ambition d’éternité. La joie spirituelle et céleste est sans doute la plus difficile à toucher mais c’est certainement la plus durable.

Le troisième enseignement est en quelque sorte le résultat croisé des deux premiers. Si on a trouvé l’émerveillement qui conduit à la joie véritable ou inversement la joie profonde qui procure l’émerveillement alors il est fort a parier que cet humain a fait l’expérience de se rendre présent à la dimension de l’Esprit. Cet enseignement tient dans la dernière phrase de l’Evangile de Mathieu « Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin ».

Bien sûr dans le sens littéral il y a la perversité du roi Hérode, mais dans le sens spirituel il y a la nécessité d’un «autre chemin» après avoir ressenti la Présence de l’Esprit. Lorsque l’intelligence de l’âme nous conduit à tutoyer le ciel alors il y a un avant et il y a un après. Rien de ce qui vient ne pourra être comme avant. Il y a la volonté absolue de ne pas perdre ce qui nous a été donné. Volonté de rester au plus proche de cette joie et de cet émerveillement. C’est sans doute à cela que se rapporte la phrase de la messe de Gazinet « Et ne permets pas que nous soyons jamais séparés de toi ». Pour cela il faut changer certains aspects de sa vie pour la mettre en conformité avec ses aspirations. Non pas en chamboulant tout mais plutôt dans un ajustement équilibré et plein de bon sens. Comme un autre chemin pour aller vers le même pays. Chacun trouve ses propres ajustements et son nouveau chemin. Chacun le fera dans « la sainte Liberté des enfants de Dieu » mais avec l’affirmation que désormais plus rien ne peut être comme avant.

En ce début d’année, les voeux que je formule pour notre Eglise et pour chacun de nous, c’est de pouvoir vivre ce triptyque de réalisation spirituelle : joie, émerveillement et autre chemin. L’enseignement des Ecritures est un enseignement de Sagesse qui conduit l’homme à sa réalisation pleine et entière.                                                                                         Faites, Seigneur, que s’accomplisse en nous ce que vous avez placé au coeur des Ecritures, afin que la Jérusalem Céleste paraisse un peu plus en ce monde.

Père Robert

1) Maurice Zundel : prêtre et théologien catholique suisse (1897-1975),

Lire Michel Fromaget, « Mort et émerveillement dans la pensée de Maurice Zundel » Lethielleux éd., 2011

 2) La quête ( Don Quichotte ) Jacques Brel 1965 – extrait

         Aimer jusqu’à la déchirure

         Aimer, même trop, même mal,

         Tenter, sans force et sans armure,

         D’atteindre l’inaccessible étoile

         Telle est ma quête,

         Suivre l’étoile…

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