La vigne, le vin et sacré

L’automne est une période liée à la vigne et au vin avec le temps de la vendange. Si la vigne et le vin sont très présents dans toute la culture méditerranéenne, ils le sont aussi dans la Bible. Plus de 400 citations se rapportant à la vigne et au vin sont présentes aussi bien dans l’Ancien que dans Nouveau Testament. De la vigne plantée par Noé après le déluge (Genèse 9, 20), au récit des noces de Cana (Jean 2, 1-10) et à la parabole des mauvais vignerons (Luc 20, 9-19), ce thème est totalement incontournable.

La vigne était déjà considérée dans les traditions anciennes comme un « arbre » sacré porteur d’une signification éminemment positive. La vigne est un des biens les plus précieux pour son propriétaire. La sagesse est « une vigne aux pousses élégantes, dont les fleurs promettent des fruits splendides et abondants » (Si 24, 17). Mais le thème majeur de la symbolique judéo-chrétienne est : Israël est la vigne et Dieu en est le propriétaire. Le Dieu vigneron y trouve sa joie, la soigne avec amour (Isaïe 5, 1-7) et en attend les fruits. Mais parfois cette vigne si entourée de bons soins, ne donne pas de bon fruits. Ce symbolisme est ensuite repris et se transfère alors sur la personne du Christ : « Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron » (Jean 15, 1) « Je suis la vigne et vous êtes les sarments » (Jean 15, 5). Ainsi le symbolisme s’étend à chaque âme humaine. Dans la Cène, le Christ choisit le vin pour support de son énergie Christique. Ses paroles sont reprises dans les mots de la consécration de la messe de Gazinet. « … prenant aussi une coupe dans ses mains saintes et vénérables, il Te rendit grâces, la bénit +, et la donna à ses disciples en disant : Prenez et buvez en tous car ceci est le Calice de mon Sang, le Sang de la Nouvelle et Eternelle Alliance… »

Ce n’est pas par hasard que le vin est choisi par le Christ ! Le vin est un aliment parfait, symbole de l’homme, élément porteur de joie, de connaissance, de convivialité et de sagesse. Un élément en lui-même digne d’être élevé à la Divinité nous dit Saint Irénée, Saint Patron de l’Eglise Gallicane. Le vin incarne parfaitement l’image de la résurrection car la vigne et le vin représentent le processus de transformation et d’évolution de l’homme.

La vigne (le Christ) produit du raisin (l’homme) qui grandit et se développe avec les soins attentifs du vigneron (le Père). Le raisin puise ses forces entre la terre et le ciel et il arrive à maturité. Arrive alors la vendange et le raisin est cueilli. Puis il est pressé, transformé et il n’en reste que du jus. Puis c’est le processus de vinification avec une modification chimique complexe au bout de laquelle il devient du vin. Ce vin continu cependant à évoluer, de cuve en barrique puis de barrique en bouteille jusqu’à devenir un nectar merveilleux qui régalera ceux qui le boiront. Notons que le vin ne se boit pas n’importe comment, il n’est pas fait uniquement pour la soif (comme l’eau). Il est aussi bu pour le plaisir car le vin est un aliment unique capable de produire une émotion intense, dont les papilles peuvent garder le goût durant de nombreuses secondes ; que la mémoire conserve durant des années et dont on parle encore longtemps après l’avoir consommé. C’est un produit de mémoire, un produit de fête, lié aux grands événements de la vie.

A travers cette transformation, c’est l’image de la résurrection qui est figurée. La grappe disparaît pour devenir autre chose de beaucoup plus subtil, de totalement différent de sa condition initiale et pourtant inséparablement liée à elle. C’est une invitation au dépassement de soi. Le vin avec ses propres caractéristiques devient digne d’être le sang du Christ. Il est le fruit de la terre et du travail des hommes et il devient, par l’action de l’Esprit-Saint, le vin de la vie éternelle. De même, nous, hommes et femmes, sommes à l’image de Dieu et nous avons nous aussi le potentiel à nous élever pour participer à la Divinité du Christ.

Comme dans chaque terrain, ce qui compte avec la vigne ce n’est pas de faire le meilleur vin du monde ou un vin meilleur que celui du voisin. Ce qui importe véritablement c’est de tirer pleinement partie de tout le potentiel de sa parcelle. Cela se réalise avec les aléas du lieu, de la météo et le savoir-faire du vigneron. Ce qui importe c’est d’exprimer par le vin le meilleur de son terroir puis de recommencer tous les ans et de se renouveler sans cesse. Le vin est en cela une véritable représentation de la vie chrétienne.

Ainsi le vin et le sacré sont liés étroitement. Le vin est un symbole riche, vivant et parlant à tous, comme une parabole qui nous permet de mieux comprendre notre relation à Dieu. Au commencement de la messe, le vin figure cette réalité ô combien complexe et inexprimable. Après la consécration, il EST pleinement et totalement LE CHRIST. Le vin porte en lui cette potentialité de la dimension sacrée. Nous aussi nous devons prendre pleinement conscience de notre réalité spirituelle et sacrée.

Père Robert Mure

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