Irénée est une figure marquante des premiers siècles de l’Eglise. Il est fêté le 28 juin en Occident et le 23 août en Orient. Irénée est considéré comme un Père de l’Eglise. Il fut évêque de Lyon au IIe siècle, mourut en martyr et fut canonisé (Saint Irénée).
Les pères se veulent les fils des apôtres et sont eux aussi des artisans de l’évangélisation. Ils parlent et écrivent dans la langue usuelle de leur milieu (le grec, le latin ou le syriaque). Leur enseignement rayonne sur tout le pourtour du bassin méditérranéen. Ils sont les pionniers de la pensée chrétienne et ces écrivains n’ont pas d’autres sources que les Saintes Ecritures elles-même pour nourrir leur intelligence de la Foi. « L’enseignement des pères,… est unique et exemplaire, car ils sont des sources qui toujours permettent de remonter à la Source divine. » (1)
Biographie
Grec de naissance, il est né en Asie Mineure, sans doute à Smyrne (Turquie) vers 130-135. Dans sa jeunesse, il rencontre le saint Evêque Polycarpe dont il devient disciple. Saint Polycarpe appartient au groupe des Pères apostoliques qui sont disciples immédiats des apôtres. Né vers 70, il a suivi les leçons de Jean, l’apôtre bien-aimé de Jésus (2). Cet amour donne à la vision mystique de Saint Jean une qualité unique où le monde est vu dans une dimension optimiste, non pas de l’inconscience du mal, mais de la certitude du Salut. Irénée apparaît comme le dernier représentant de ce cercle réduit qui eut pour centre l’amour de Jean et du Christ (3).
Irénée est un homme d’une culture remarquable, il est sans doute déjà prêtre quand il arrive en Gaule pour y répandre la foi catholique. Il retrouve une colonie de ses compatriotes à Lyon qui est alors une capitale et un centre commercial important. Les évêques d’Asie ayant condamné les Montanistes, Irénée fut envoyé auprès du Pape Éleuthère pour demander qu’on soit indulgent à leur endroit. Ce voyage lui évita, par ailleurs, d’être victime de la terrible persécution dont furent alors victimes les chrétiens de Lyon (177-178). A son retour, le vieil évêque Pothin était mort avec Sainte Blandine en martyrs, et Irénée fut élu pour lui succéder.
Irénée en grec ancien se traduit par, « paisible ». Il porte bien son nom d’homme de paix, comme par exemple quand il intervient auprès du pape pour le dissuader d’excommunier une partie de l’Église d’Asie qui veut célébrer Pâques à sa propre date. Rien n’oblige d’imposer l’uniformité, soutenait-il, car : « La différence du jeûne confirme l’accord de la foi ».
Irénée est surtout connu par ses écrits. « Contre les hérésies » (4), où face aux allégations des gnosticismes, Irénée s’en tient aux données biblique et à l’enseignement évangélique reçu des apôtres et transmis par la règle de foi (résumé des vérités essentielles). Il écrit aussi : « Démonstration de la prédication apostolique et ses preuves », qui est un catéchisme de la foi catholique. Il meurt à Lyon en 202. D’après la tradition, il meurt en martyr bien qu’il n’y ait pas de preuves formelles. Cette thèse s’appuie sur des témoignages de Jérôme au Ve siècle et de Grégoire de Tours au VIe siècle.
L’Enseignement d’Irénée
Au IIème siècle, les écrits gnostiques se développent de façon considérable et c’est pourquoi Irénée s’y est opposé en adversaire décidé. Les gnosticismes sont des doctrines d’intellectuels mal convertis qui utilisent, exploitent et finalement détournent les Saintes Ecritures en prétendant offrir à une élite des connaissances supérieures sur Dieu et l’univers.
Irénée développe un argumentaire, chez lui l’autorité des Ecritures est absolue : la Bible suffit pour connaître Dieu et son œuvre, toute spéculation supplémentaire est vaine. Face au dualisme fondamental des gnostiques, Irénée affirme l’unité de la foi, de celle de l’Eglise et soutient que l’écriture révèle un plan de Dieu pour le salut des hommes (5). Le dessein du divin qui se déploie à travers l’histoire du salut prend sa source dans la Trinité et conduit l’homme de la création à sa glorification, dans la vision de Dieu. La vraie gnose (6) nous fait connaitre non le mystère même de Dieu mais la création, qui est l’oeuvre de son amour pour l’homme. La création entière est donc bonne, la matière y comprise et apte au Salut : « Le Verbe de Dieu, poussé par l’immense amour qu’il vous portait, s’est fait ce que nous sommes afin de nous faire ce qu’il est Lui-même. » (7)
Pour Irénée, l’homme n’est pas un esprit chuté dans un corps, mais un corps « pneumatisé » par l’Esprit, garant de son unité et de son incorruptibilité. L’homme est à l’image de Dieu car modelé dans son corps à l’image du Fils « qui devait naître ». La montée lente et progressive de l’homme et sa responsabilité dans cette ascension, le conduit vers la ressemblance parfaite avec Dieu. La pédagogie divine consiste à préparer l’homme à sa visite sans l’effaroucher pour le disposer à l’accueillir et à entrer en communion avec lui.
La connaissance est pour Irénée, un amour et une divinisation de l’homme dans la personne du Christ. Rompant avec la dualité du corps et de l’âme, Irénée développe la doctrine de Saint Jean du « Verbe fait chair » pour interpréter le sens de la vocation de l’homme : « Il a donné Son âme pour notre âme et Sa chair pour notre chair, et Il a répandu l’Esprit du Père pour opérer l’union et la communion de Dieu et des hommes, faisant descendre Dieu dans les hommes par l’Esprit et monter l’homme jusqu’à Dieu par Son Incarnation ». (8)
La venue du Christ dans la théologie primitive, n’est nullement liée au péché mais prévue « dès l’origine du monde ». L’histoire se présente comme une préparation de la venue du Fils « partout semé dans l’Ecriture, parlant à Abraham, à Moïe, à David ». Jésus est pour Irénée, le centre lumineux, à partir duquel s’éclaire toute la ligne du temps.
L’action du Christ se poursuit par celle de l’Esprit : « Car là où est l’Eglise, là est aussi l’Esprit de Dieu; et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Eglise et toute la grâce. Et l’Esprit, c’est la Vérité » (9). La foi a été semée en nous, elle lève en charité et mène l’homme à la vision de Dieu. Chez Irénée, l’Eucharistie est le dernier volet de l’histoire du salut. Le pain et le vin, fruit de la terre et du travail des hommes, sont le reflux de la création entière vers le père. Pour Irénée la splendeur de l’Eucharistie ne tient pas seulement au fait que les éléments sont le corps et le sang du Christ, mais aussi au fait que le pain et le vin sont capables de produire ces réalités divines. Ainsi il veut nous dire, que dans l’Eucharistie nous voyons le monde comme Dieu le voit.
Face à ceux qui voulaient l’Ecriture seule Saint Irénée défend aussi la Tradition de l’Église, transmise par les apôtres et fondée sur la « règle de vérité » qui est la foi contenu dans le CREDO. C’est une théologie de l’institution ecclésiale : la transmission de l’enseignement des Apôtres et la succession apostolique donnent autorité à la doctrine et qui garantissent la conformité avec la révélation.
Irénée est le premier auteur d’une Somme de théologie chrétienne sûre de ses principes et capable d’en donner une démonstration impeccable. Pour lui, toute spéculation chrétienne doit se régler sur le credo baptismal, tel qu’il a été conservé et transmis dans l’Église depuis les origines.
Par sa théologie et par sa vie, Saint Irénée, incarne la source de l’Esprit Gallican qui dans un retour aux principes des premiers chrétiens cherche à retrouver la communion première avec Dieu.
- la Foi au Credo
- la force de l’Ecriture et de la Tradition
- l’autorité liée à la succession Apostolique des apôtres
- la dimension de l’homme, habité par l’Esprit et en retour vers le Père comme accomplissement de la création toute entière
- la révélation des Ecritures donnée à tous et non réservée à une élite
- la splendeur de l’Eucharistie
- la poursuite de l’enseignement de l’apôtre Jean
Irénée, est un Saint Patron, qui nous plonge aux racines apostoliques de la foi chrétienne. L’Eglise Gallicane lui témoigne son attachement avec le Trypique qui surmonte l’Autel de la Primatiale Saint Jean-Baptiste de Bordeaux. Aux cotés du Christ en gloire, Saint Irénée, du coté de Epître, est représenté sous les traits de Monseigneur Irénée d’Eschevannes (10). Ainsi représenté par Monseigneur Tugduald, Evêque de l’Eglise Celtique de Bretagne, l’Esprit de Saint Irénée se place à la tête de notre Eglise et nous indique la voie qui permet de remonter à la Source Divine.
Père Robert Mure – Chapelle Saint Michel Archange – Montbrison
1) Pour lire LES PERES DE L’EGLISE, Adalbert-G. Hamman, nouvelle édition revue et augmentée par G. Bady, Les éditions du cerf, Paris 2007, p7.
2) Lettre d’Irénée à Florinius dans EUSEBE DE CESARÉE Histoire ecclésiale V, 20, trad. G. Bardy modifiée, « sources chrétiennes » 41, Cerf, Paris 1955, p62.
3) Dictionnaire historique des Saints, John Coulson Socité d’édition de dictionnaires et encyclopédies, Paris 1935
4) Contre les hérésies, trad. A. rousseau, « Sources chrétiennes » 264 Cerf, Paris 1979
5) Pour lire LES PERES DE L’EGLISE, Adalbert-G. Hamman, nouvelle édition revue et augmentée par G. Bady, Les éditions du cerf, Paris 2007, p28
6) La gnose, mot grec qui signifie connaissance n’est nullement une notion suspecte. Le sens qui lui est donnée dans la prière de la Didachè représente une expérience de Dieu plus qu’une connaissance intellectuelle.
7) Contre les hérésies, trad. A. rousseau, « Sources chrétiennes » 264 Cerf, Paris 1979
8) idem 7
9) idem 7
10) Site internet de l’Eglise : www.gallican.org